Perturbateurs endocriniens : « enceinte, arrêtez les cosmétiques ! »

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Véritables dangers pour les tout-petits, les perturbateurs endocriniens inquiètent autant qu’ils intriguent. Chirurgien-pédiatre à la clinique Marcel Sembat à Boulogne, le Dr Chamond nous aide à comprendre : c’est quoi, un perturbateur endocrinien ? Un bon début pour savoir comment s’en préserver… 

De nouveau à la Une du fait de leur présence dans les cheveux de tous les enfants sans exception, les perturbateurs endocriniens sont une source d’angoisse pour de nombreux parents… sans réellement savoir de quoi il s’agit. Entre risques véritables et avancée progressive contre l’utilisation des matières dangereuses, propagatrices de perturbateurs endocriniens, le Dr Chamond fait le point sur ces petites bombes à retardement. Chirurgien-pédiatre, il constate dans son cabinet de plus en plus de dysfonctionnements liés à ces molécules. De là à en faire une psychose, il se garde bien d’en être l’incantateur….

Qu’est ce qu’un perturbateur endocrinien ? 

C’est une substance ou un mélange de substances qui ne sont pas de notre corps, et qui interfèrent avec l’action d’une de nos hormones. Elles interfèrent de différentes façons : certaines substances vont activer la fabrication de certaines hormones, et d’autres au contraire, vont inhiber ou empêcher l’action naturelle d’une hormone dans notre corps. Elles peuvent être naturelles (comme les protéines de soja), ou chimiques. Ce sont ces dernières qui nous intéressent le plus, car dérivées des plastiques, et donc potentiellement dangereuses. Pour exemple, le fameux bisphenol A, interdit aujourd’hui, est un perturbateur endocrinien, même s’il en existe d’autres que le A. Les phtalates, qui sont des plastifiants, en sont aussi. On les trouve a peu près partout : dans les PVC qu’on met au sol, sur les murs, dans les vernis, les cosmétiques….

Quels sont les risques ? 

Ces produits industriels et chimiques vont agir au sein de notre organisme, directement au niveau des cellules. En interagissant avec les hormones de notre corps, elles vont impacter ces dernières, qu’elles soient sexuelles ou thyroïdiennes. Ainsi, le développement des organes génitaux s’en trouve modifié, constituant par là le point d’incidence majeur des perturbateurs endocriniens. Les garçons sont par exemple victimes de malformations de la verge ou testiculaires, et les filles du syndrome des ovaires polykystiques. Lorsque les hormones thyroïdiennes sont affectées, les enfants peuvent développer des goitres (surtout ceux nourris exclusivement au lait de soja), mais aussi souffrir d’une altération de leurs capacités cérébrales. Cette dernière conséquence est encore au stade d’étude, mais il semble que l’hyperactivité, les troubles comportementaux, les déficits d’attention ou un QI bas soient également liés aux perturbateurs endocriniens…

Qui sont les plus touchés ?

Les plus touchés et les plus sensibles aux perturbateurs endocriniens sont…les embryons. Comme pour l’hypothyroïdie cérébrale, regroupant tous les troubles cérébraux dont on vient de parler plus haut, c’est pendant le développement embryonnaire que les risques sont les plus importants. C’est ce qu’on appelle « la fenêtre de susceptibilité », une véritable période critique au moment de la formation des organes de l’embryon. Ainsi, il est très important de faire en sorte que les femmes enceintes soient exposées le moins possible. D’autant que pour le bébé, le risque peut-être avéré dès la naissance, tout comme il peut se développer bien plus tard à l’âge adulte, sous forme de cancers ou de diabète. Là encore, les études ne font qu’évoquer un lien de causalité avec les perturbateurs endocriniens, mais il paraît vraisemblable que les cancers hormono-dépendants (du sein ou des testicules) et certaines maladies développées sur le tard soient liées à une exposition in-utéro. Le problème, c’est que si tout se joue durant les premières semaines de grossesse, il est rare qu’une femme se sache enceinte depuis le tout début….

De la même manière, les nourrissons sont à préserver au maximum, puisque même après la naissance pendant les premiers mois, les organes ne font pas que grandir mais continuent de se développer. Et si à l’âge adulte, on ne risque concrètement plus rien, les perturbateurs endocriniens peuvent avoir pour effet pervers de générer des malformations chez nos futurs enfants

Comment s’en préserver ? 


Via ; buzzfil

A titre individuel, il est très compliqué voire infaisable de lutter contre les perturbateurs endocriniens. Les gens ne vont pas passer des heures à décortiquer les étiquettes de tous leurs produits, si tant est qu’ils ont une formation de chimiste pour comprendre tous ces noms barbares ! De même, si les femmes enceintes feraient mieux d’arrêter d’utiliser les cosmétiques pendant leur grossesse, on leur conseillera plutôt de se rabattre sur des marques bio, en dehors desquelles on retrouve toujours un peu de pesticides ou de substances qui peuvent être perturbatrices endocriniennes. Enfin, la mesure la plus importante à adopter dans notre vie courante est de ne plus chauffer de matière plastique. D’une manière générale, les perturbateurs endocriniens présents dans les plastiques se libèrent davantage au contact de la chaleur. Mieux vaut donc utiliser des biberons en verre par exemple, ou des boites d’une autre composition pour réchauffer les aliments au micro-ondes. Enfin, mais c’est plus un conseil de bon sens, manger sain, avec une alimentation équilibrée, est aussi très important. De fait, on achète ses légumes chez un primeur bio, plutôt que des fraises d’Espagne au supermarché !

N’y a-t-il rien de fait pour lutter à grande échelle contre les perturbateurs endocriniens ? 


Via ; buzzfil

Effectivement, si en tant que consommateur nous avons une petite marge de manœuvre pour lutter contre les perturbateurs endocriniens, c’est surtout au niveau politique que cela se joue. Et depuis les années 70, plusieurs mesures ont été prises contre l’utilisation de certains pesticides, par exemple. Aussi, beaucoup de produits industriels, de solvants ou encore de lubrifiants, font l’objet d’une véritable surveillance sanitaire, à l’échelle française et européenne. Le problème, c’est que certains pesticides interdits il y a 40 ans se retrouvent encore aujourd’hui dans des prélèvements faits sur des enfants. Ces substances ont une durabilité très longue, notamment dans les nappes phréatiques.

 Au niveau industriel, c’est plus complexe. Car il faut bien comprendre une chose : aucun lien direct n’a été établi entre une exposition directe et une éventuelle conséquence. Les études ne mettent en avant que des probabilités de risques, qui même si elles sont très fortes, ne sont pas exclusivement et/ou directement imputables aux perturbateurs endocriniens. Du fait de cette relativité, il y a bagarre entre chercheurs et médecins d’un côté, et toutes les formes de lobbys industriels de l’autre. La difficulté étant par exemple qu’il n’y a pas de seuil déterminant si l’exposition aux perturbateurs endocriniens est dangereuse ou pas. C’est plus subtil que ça : plus qu’un échelon, c’est principalement la période à laquelle on a été exposé et sa durée qui comptent. Mais attention ! On ne peut pas dire que les industries ne font rien, au contraire… ne serait-ce que pour l’argument marketing de dire que c’est garanti sans bisphenol ou sans phtalate !

Faut-il donc s’affoler et voir partout des perturbateurs endocriniens ?

Non, je ne suis pas alarmiste du tout. Beaucoup d’efforts sont faits, et si on applique tous certains principes de précaution comme manger sainement, surveiller la provenance de ses fruits et légumes ou encore ne pas réchauffer de matières plastiques, il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure. Il ne faut pas en arriver à être en état de stress au moment d’aller faire ses courses, ni d’y passer des heures à éplucher les étiquettes. Sinon, on ne s’en sort pas !

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